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Heures lorraines

Au temps des Dames Blanches

Au sud-est de Xertigny, près de la route de Plombières, à l'endroit nommé "le Priolet" se trouvent dans le fond de la vallée, trois monticules qui paraissent artificiels. Celui du nord est entouré à son sommet d'un demi-cercle de roches cassées dont quelques-unes ont déjà roulé jusqu'à mi-pente. De l'autre côté, l'ovale se complète par des talus encore visibles. On prétend reconnaître un ouvrage des Gaulois ou des Romains. Pareille construction forme un côté du Château des Fées.

Les druidesses règnent encore sous l'incarnation des fées. Elles hantent la Lorraine: Dames, belles Dames, bonnes Dames, Dames Blanches... de nombreux lieux-dits rappellent leur présence. La plupart voulaient du bien aux humains. Des roches, des ponts, des châteaux attestent des Fées bâtisseuses, mais il y a aussi des fileuses, des lavandières, des cuisinières, et, à chaque pas, la légende leur assigne un rôle plutôt bienveillant de collaboratrices et même de protectrices.

Le Puits-des-Fées à Uriménil : un petit hameau dépendant de la commune d'Uriménil, porte ce nom. On peut encore voir l'emplacement du puits qui fut utilisé jusqu'en 1877, date à laquelle fut édifiée, à, quelques mètres de là, une fontaine publique. On rapporte, dit une tradition, que les Fées avaient bâti ce puits en une nuit.

Nos légendes nous les montrent protégeant les récoltes, indiquant aux laboureurs les jours favorables aux semailles, cueillant les plantes salutaires qui soulagent et guérissent. Le lin qu'une pauvresse a déposé devant la grotte de la Fée se changera mystérieusement en fil pendant la nuit.....

"Un soir, une femme vit une grande forme blanche, svelte et vaporeuse, penchée sur le berceau de son bébé. Prise de peur, elle s'écria : "Qui êtes-vous? - Cela ne te regarde pas.- Que venez-vous faire céans? - Voir ton petit garçon - Eh bien, allez-vous en, vilaine créature! - C'est bon, je m'en vais à l'instant mais ton enfant mourra dès que la bûche qui flambe dans la cheminée sera consommée. Aussitôt l'apparition s'évanouit. Mais la mère, malgré son effroi, avait aperçu les mains de la forme blanche. Et ces mains étaient palmées. Il s'agissait sans aucun doute d'une fée. La femme, éperdue, se précipita sur la bûche toute crépitante d'étincelles et l'éteignit. Après quoi, elle la rangea dans une lourde armoire de chêne bien fermée à clef. Le petit garçon grandit, devint un homme et vécut jusqu'à cent ans. Il vivrait encore sans doute aujourd'hui, si une main ignorante n'avait tiré la bûche de l'armoire pour la jeter au feu." - Veillées Lorraines -

Mais une floraison de saints et de prophètes couvrit la terre lorraine. Des saints et des saintes, il y en eut partout, dans les villages paisibles, dans les grandes plaines, sur la cime des montagnes, dans les retraites profondes des forêts. Armés du signe de la croix, ils chassaient des clairières et des arbres l'essaim des fées qui les hantaient, ils poursuivaient sur les bords des fontaines, sur les berges des ruisseaux, le peuple des nymphes et mettaient en déroute ces êtres de légende. Ainsi ils délivraient les hommes du mensonge, mais ils privaient leur âme de poésie et de douceur.

Proscrites, pleurant leur gloire évanouie, elles se sont retirées dans les endroits les plus écartés. Parfois, des habitants allaient en secret les relancer jusqu'au fond de leurs retraites pour les consulter sur la chance heureuse ou malheureuse qui les attendait dans la vie, ou sur une épidémie survenue dans les étables. Quelques-uns, même parmi les nouveaux chrétiens, adeptes aux trois quarts des anciennes croyances, leur demandaient un nom pour leur nouveau-né, un nom qui portât bonheur. Voilà pourquoi on les nomma d'abord les Marraines et plus tard les Fées.

Des anciens druides on a gardé la magie: ils sont devenus des magiciens puis des sorciers.

Sorciers, sorcières, farfadets et lutins répondent à l'appel de Satan qui joue le rôle principal dans les légendes vosgiennes. Partout on retrouve son influence et la trace de ses méfaits. Il leur donne ses instructions et ses commandements pour faire périr les hommes et les bestiaux, soulever les tempêtes qui dévastent les campagnes et détruisent les récoltes. Le sabbat a plutôt lieu dans une vallée profonde au fond des bois. Quand on s'y promène en plein jour, on sent un froid glacial pénétrer dans les veines; c'est un endroit sinistre et de sinistre renommée; c'est un coin de terre qui n'appartient même pas à Dieu et où seul, règne Satan.

Au temps des Romains

C'est en 60 avant notre ère que fut fondée la ville de Xertigny.

On pense que Xertigny doit son origine à une station où campait quelque troupe romaine commandée par Certinus. Ce camp romain s'appelant Certiniacumqui donna à ses habitants l’appellation de Certiniaciens.Le nom de Xertigny semble dériver du français Essart (lieu défriché). Le Pouillé de 1402 en disait Chastigneyum et Chatigneyum. Dans les vieux actes, Xertigny porte toujours le même nom. Dans le Pouillé de Toul imprimé en 1711, Xertigny est toujours désigné, Certiniacus, Certigny. Son nom patois Schetneye semble venir de la première orthographe Chatigneyum.

Sur l'emplacement actuel de l'église, les Romains avaient établi une construction où ils séjournaient quand ils se rendaient à Plombières. Plusieurs de leurs voies sillonnent le pays. Le nom du ruisseau du village, l'Aître semble venir de Stratum (voie, chemin). On a remarqué que les lieux appelés "Fays" étaient presque toujours sur le passage des voies romaines. On peut l'expliquer par le fait que Fays vient de Fagus (hêtre). Or il y a dans la commune le Fays Richard près de la voie d'Arches à St Loup, le Fays des Chettes aux Debans près de la voie venant du Château des Fées (Ruaux) qui, croit-on, joint Bains à Plombières.

A cette époque, Xertigny est à l'emplacement de la Haute Chambre du Thillot et du Haut de la Rue, la Rue étant déjà un faubourg de Xertigny.

Les voies romaines

Quelques chemins au fil du temps ont été ouverts d'une ferme à l'autre, d'un village à un autre mais rien d'aussi sérieux que les routes romaines qui sillonnaient le pays.

La voie romaine la plus connue entrait dans la commune à la scierie d'Avin, gagnait l'entrée du village, longeait le côté est du grand champ de foire, passait un peu à l'ouest de la ferme de Ste Valburge, un peu au-dessus de la ferme des Champs Marin et, plus loin, se confondait avec le chemin actuel de la Croix du Boubot, dit aussi chemin de St Loup. On en cite d'autres passant :

  1. à la Relanfosse et au-dessus d'Amerey

  2. au Thillot, au Vieux Xertigny et à la Revente

  3. du Château des Fées aux Debans

  4. on cite encore un chemin très vieux d'Arches à Granges et Hardémont.

(la voie romaine de Langres à Baccarat passait sur le ban d'Uriménil : elle sort du territoire de Maldeux, entre sur celui d'Uzemain-La-Rue où l'on voit encore des culées du pont romain qui existait sur le ruisseau faisant la séparation de cette commune de celle de Charmois l'Orgueilleux)

#### Les antiquités Sur tous les points du territoire, le hasard restitue des antiquités précieuses.

Rome est dans les sillons, heurté par le soc des laboureurs :

un jour, à Corre, un laboureur, se reposant vers l'heure de midi, voit une motte de terre remuée par une taupe; il s'avance pour tuer l'animal et trouve une pièce d'or. C'était une médaille de César, ayant au revers un quadrige.

La découverte des eaux thermales de Bains remonte aux Romains. En 1752, en cherchant la principale source de l'ancien bain, qui était déviée, on trouva, au-dessous d'une pierre, six cent médailles romaines, à l'effigie d'Auguste, Agrippa, Domitien et aussi quelques petites médailles grecques.

En 1755, est découvert près d'une grange entre Uriménil et Uzemain un ancien temple avec des statues dont un Hercule.

Lettre écrite par Nicolas Marquis, sacristain de l'église des Dames de Remiremont, généalogiste... par laquelle il fait part à l'abbé de Senones, de cette importante découverte que l'on venait de faire dans sa propriété.

Remiremont, le 10 mai 1755:

Mon très Révérend Père,

J'ai l'honneur de vous envoyer les copies des morceaux que l'on a trouvés auprès d'une grange que j'ai vers Xertigny, entre Uriménil et Uzemain. C'est véritablement un temple d'idoles renversé. Je n'ai pas omis un trait; le dessin n'est pas beau, mais les pièces sont dans leur original, mutilées et brisées dans bien des endroits. L'Hercule est la pièce la plus exacte; il a plus de six pieds de roy de hauteur et gros à proportion; les pièces qui lui manquent, je veux dire la tête, les bras et les jambes sont encore dans le marais. Pauvre Hercule : le curé d'Uriménil a fait couper la marque du sexe!!! Heureusement elle a été mise de côté pour la cimenter. On distingue un autre Hercule dans une espèce de niche; il semble qu'il tienne sur son épaule la peau du lion. On sent, avec les outils, quantité de morceaux; mais on a cessé le travail jusqu'à la fenaison, parce que l'on gâtait tout le terrain. J'ai fait le parti avec le propriétaire de me rendre sur les lieux lorsqu'il recommencera d'y travailler...il y a aussi de grandes pierres dont les contours sont écrits; on dit que ce sont des pierres d'autels sur lesquels on sacrifiait...

A Rasey, on trouve de nombreux vestiges des anciennes guerres : ici ce sont des armes antiques, là de nombreux fers à cheval, plus loin des formes de casques. Dans un endroit appelé " Champ des Saints", ont été retrouvées plusieurs statues. L'une d'elles, découverte début 1800 et que l'on voit encore sur le mur qui entoure un jardin, représente deux personnages dont l'un porte un sabre attaché à sa ceinture. Un autre a été retrouvé par un laboureur qui lui enleva la tête avec sa charrue.

Au temps des églises

L'église et son cimetière sont les deux points de repère de Xertigny. Ce sont des lieux de référence qui fédèrent autour d'eux la poussière de cens isolés et de hameaux, portant tous un nom différent. La surface du territoire paroissial est considérable. En effet, les parties accessibles et propices à la culture ne se présentent qu'à une certaine distance les unes des autres. La forêt est percée de nombreuses clairières. Chacune d'elles forme un petit centre de culture et d'habitations. Les hameaux se logent à l'abri de petits vallons secondaires.

L'église de Xertigny semble être de style roman. Par dessous, existe un caveau profond. Sondé le 30 juillet 1862, on n'a pu trouver le fond. D'après la tradition, ce serait le bout d'un souterrain qui allait rejoindre le couvent des Templiers au lieu-dit Priolet.

A un mètre et demi de terre, du côté nord, une pierre de la tour porte à l'extérieur,en relief, une tête de grandeur nature. On croit y reconnaître un fragment de pierre tombale de style roman ou gothique. On pourrait en conclure que, avant la construction de la tour, il existait déjà sur le même emplacement une église et un cimetière; on remarque près du clocher, côté sud un sarcophage de pierre. On croit qu'il avait pour couvercle une pierre devenue marche d'escalier sur laquelle on lisait:"Petit-fils de la reine de Hongrie". Ce sarcophage remonte probablement à la guerre de Trente Ans lorsque la Lorraine recevait de Hongrie quelques renforts. D'autres cercueils également en pierre seraient demeurés sous les fondations de l'ancien presbytère. Une pierre de la tout actuelle porte la date de 1118.

La paroisse et son église sont placées sous le vocable de Sainte Walburge, abbesse de Heindenheim en Allemagne, morte le 25 février 779 et dont la statue de pierre patinée par les âges, trône au-dessus d’un autel.

Il était une fois - 730 après J.C - un roi d'Angleterre et une reine qui avaient trois enfants. Ce roi s'appelait saint Richard. Il gouverna les Anglo-Saxons et vint mourir à Lucques, en Toscane, plein de mérites et de vertus. La reine se nommait Unna : elle était la sœur de l'illustre Winfrid, le futur saint Boniface, archevêque de Mayence et le plus glorieux apôtre des Germains barbares... qui du reste le firent périr cruellement.

Ce roi et cette reine eurent une fille, saint Valburge qui mena une vie très sainte et qui séjourna plusieurs fois en Lorraine, notamment à Xertigny. Elle aurait fait une halte dans une ferme de la ville de Xertigny. En filant sa quenouille, elle aurait laissé tomber sa pelote de laine qui, roulant sur la côte, s'arrêta en bas. La Sainte aurait fait ensuite jaillir l'eau de la roche et les habitants auraient fondé l'église Sainte Walburge.

Au temps des Templiers

C'est sous le règne du duc Mathieu que les Templiers s'établissent en Lorraine.

Dans plusieurs endroits où se sont trouvées des ruines dont on ne pouvait expliquer l'origine, on les a attribuées à des maisons de Templiers donnant toutefois cette qualification à de simples métairies que l'ordre aurait possédées. Lors de la suppression de l'ordre, on se contenta de les expulser mais sans violences.

Un peu au-dessus des monticules dont je viens de parler s'élevait le couvent dit des Templiers devenu plus tard un prieuré (Prioré, Priolet) dépendant de l'abbaye de Saint Mansuy de Toul. Vers 1820, on retrouva des pans de muraille en creusant dans les prés du Priolet. On a trouvé dans les bosquets rocheux qui avoisinent le Priolet, un service (cuillère et fourchette), des monnaies d'argent, des pierres à demi dégrossies, des croix d'or de Templiers.

A la Rochère, près de Granges, il y avait autrefois une maladrerie où étaient probablement les lépreux.

Au temps des seigneurs et des abbayes

L’Evêché de Toul est un enchevêtrement de comtés, de châtellenies, de justices, de seigneuries compliqué et morcelé qui forme une marqueterie champêtre qui appartenaient à la Lorraine, au Barrois, à la Franche-Comté, à la France et aux deux évêchés de Toul et Besançon.C'était un véritable puzzle.Pour les engager dans leur parti ou les conserver, la France et la Germanie avaient accordé aux évêques, aux abbayes, aux églises, aux seigneurs des privilèges et des droits très étendus sous forme de grands domaines et de biens.

1704- Un même lieu pouvait appartenir à deux ou trois nationalités différentes (à la France, à l'Espagne et à la Lorraine). Le traité de 1704 entre la France et la Lorraine régularisa du mieux qu'on put cette singulière situation; mais si un village finit par n'appartenir qu'à une seule souveraineté,leurs territoires n'en restèrent pas moins mêlés les uns aux autres. Un accord de 1704 entre Louis XIV (France) et Léopold (Lorraine) stipule que les habitants de ces communautés pourraient traverser leurs voisines " debout et sans arrêts avec leurs chariots, chevaux, denrées et marchandises".

On se demande comment ont pu vivre, pendant deux siècles, des groupes de population appartenant à deux ou trois nationalités, indépendantes les unes des autres, souvent en guerre. Il y eut là une confusion inextricable d'habitants et d'habitations que devaient encore compliquer les liens de parenté, les mariages, les naissances. Cela sur l'étroit espace de petits villages n'atteignant pas deux cent âmes !