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Heures lorraines

Qui sommes-nous?

En ouvrant des sillons,un laboureur a peut-être ramené au jour des briques et des tuiles où des signes apparaissaient d'une écriture inconnue, d'antiques monnaies, des fibules... C'est le passé qui reparaît. C'est un ancien monde qu'on revoit là avec ses coutumes et sa civilisation, ses lois sociales et ses dieux. Ces découvertes font l'objet de nombreuses études, on peut les admirer dans des musées, les comprendre mais que reste-t-il des humbles de la terre, des sans-nom, de ceux qui n'ont laissé aucune trace?

Naissance du nom de famille Au début du Moyen Age, les noms de famille n'existent pas. Seuls les nobles et les bourgeois avaient un nom de famille; La plupart de ces noms sont des noms de terre: celui du fief conféré par le souverain en reconnaissance de services rendus, ou acheté.

La population augmentant, la présence de dizaines d'homonymes dans chaque village devient ingérable, d'autant plus que les parents font leur choix parmi les quelques prénoms qu'ils connaissent, c'est-à-dire ceux qu'ils entendent autour d'eux, en famille et dans la paroisse! Comment collecter les impôts, établir le cadastre des terres quand il existe des cohortes de gens portant le même nom sans rien pour les distinguer. Il devient urgent d'attribuer à chacun un nom de famille qui va demeurer d'une génération à l'autre.Ces nouveaux noms sont presque tous des surnoms personnels provenant de la couleur du teint ou de la chevelure, de la complexion et de la stature, de l'âge, des degrés de consanguinité,des qualités du cœur ou de l'esprit, des charges féodales, des arts et métiers.

Ils se stabilisent définitivement et sont officiellement inscrits sur les registres paroissiaux lorsque le roi François 1er, par ordonnance datée de 1539 et signée à Villers-Cotterêts, rend obligatoire les registres d'état-civil qui sont tenus par les curés des paroisses jusqu'à la Révolution.Elle les oblige également à établir des filiations ce qui a pour conséquence de donner des noms de famille à des gens qui n'étaient distingués que par leur prénom, leur surnom et le plus souvent par des diminutifs variés de prénoms chrétiens. Dans beaucoup de paroisses rurales, les ecclésiastiques se seront bornés à transformer en noms de famille les prénoms de leurs paroissiens si bien qu'il n'y a que le prénom pour les distinguer entre eux et le nom de leur épouse.Les noms provenant de professions sont aussi très nombreux.

La Bruyère :"C'est déjà trop d'avoir avec le peuple la même religion et le même Dieu; quel moyen encore de s'appeler Pierre, Jean, Jacques, comme le marchand ou le laboureur? Évitons d'avoir rien en commun avec la multitude; affectons au contraire toutes les distinctions qui nous en séparent. Qu'elle s’approprie les douze apôtres, leurs disciples, les premiers martyrs (telles gens, tels patrons); pour nous, autres grands, ayons recours aux noms profanes; faisons-nous baptiser sous ceux d'Hannibal, de César et de Pompée....".

La multitude... Et cette multitude, que reste-t-il d'eux? Une croix, tracée malhabilement sur un registre, que le curé encerclait d'un trait, en précisant " marque d'Untel" mais on n'en mesure plus aujourd'hui toute la force : qui traçait cette croix s'engageait sur celle du Christ, comme d'autres prêtent serment sur la Bible. Y manquer était parjurer... des témoins attestaient à la fois de l'existence de l'acte et des engagements qu'il contenait, mais aussi de l'identité des personnes contractantes à une époque où personne n'avait de papiers d'identité.

Monsieur de l’Espy du Sauvay faisant sa visite dans le doyenné de Remiremont a ordonné le 25/10/1671 que les pères des enfants baptisés signeront aussi comme les parrains et marraines dans le livre des baptêmes aussi bien que le sieur curé. Jusqu’à présent, personne ne signait, le curé se bornant à signaler que parrain et marraine ne savaient pas signer mais jamais les parents n'avaient été invités à signer.Pour l'anecdote, en 1671, le curé de Xertigny était Charles Thouvenot et c'est lui qui a inséré cette note au milieu des actes sur son registre.

Depuis l'origine des noms de famille, du règne de Saint Louis à nos jours, combien de générations se sont-elles succédées? Moins de trente-cinq. Mais très peu de familles ont conservé la connaissance des personnes qui ont constitué la ligne directe dont elles sont issues, mises à part celles qui appartiennent à l'ancienne noblesse française et qui ont réussi à durer. Combien de familles se sont éteintes, malgré l'accroissement de la population, parce qu'elles ont été insuffisamment fécondes?

Jean d'Ormesson : J'ai fait le calcul, dit-il. C'est une progression géométrique : deux parents, quatre grands-parents, huit arrière-grands-parents, et si on continue jusqu'à la vingtième génération,on arrive à un million d'ancêtres Si vous êtes fier de votre nom par exemple, celui-ci ne représente qu'une goutte d'eau puisqu'il correspond à la seule lignée masculine et qu'il y a eu des milliers d'apports féminins à chaque échelon.

Tant qu'il s'agit de constituer un arbre généalogique, tout va bien car les données en général dont on dispose ne vont que jusqu'à la 12 ou 13ème génération dans le meilleur des cas mais la difficulté commence quand on veut rédiger l'histoire familiale et donner vie à tous ces noms. Qui choisir? C'est évident quand il s'agit de nos parents, grands-parents, arrière-grands-parents, on peut gérer d'autant plus que des photos et des papiers de famille nous permettent de reconstituer leur parcours.

Les autres malheureusement font partie de cette multitude recensée dans les registres pour lesquels nous n'avons que les dates de naissance, de mariage et de sépulture. Pour avoir une image complète, nous ajoutons leurs enfants, leur métier s'il est indiqué et leur lieu de résidence.

L'histoire familiale On peut supposer que deux ancêtres laboureurs vivant dans le même village ont sur le plan matériel et environnemental le même mode de vie. Il n'y a que le contexte familial qui peut varier. J'ai donc choisi de faire une monographie des villages qui regroupaient le plus grand nombre d'ancêtres et les inclure dans la vie de ce village en fonction des renseignements que je possède sur chacun d'eux. Il y aura des villages plus importants que d'autres, ce que j'appelle des "nids" dont Xertigny et Hennezel par exemple font partie autour desquels viennent se greffer, par mariages, beaucoup d'autres communes du Coney, des Hautes-Vosges, de Franche-Comté et même de Tantonville dans la Plaine.

Il y a également des familles référentes qui feront alors l'objet d'un chapitre particulier.

Dans les années quarante, vous prenez deux personnes à Nancy, travaillant toutes deux à la S.N.C.F, originaires de Xertigny,qui, sans être parents se connaissent car la sœur de l'un a épousé le frère de l'autre. L'un, Jules, invite papa, René, à son mariage à Rasey (Xertigny). Papa rencontre maman qui est la cousine de la mariée et qui habite Darney. Aucun lien de parenté entre eux, ils se marient. On est au XXème siècle et pourtant....au XVIIème siècle, on aurait pu rencontrer en ce même lieu des membres de ces deux familles, Diolez et Charton, dans des fêtes patronales, des mariages....sans qu'ils sachent eux-mêmes qu'ils étaient, pour certains, déjà liés par le sang en ayant les mêmes ancêtres et que leurs descendants se retrouveraient et contracteraient la même alliance de nos jours.

Cette famille, c'est la mienne. Elle a pour noms: Charton, Diolez, Clément, Colle...., ce sont les hommes du peuple dont parle Bossuet:

"Il y a des hommes qui, sous le poids des jours, sans cesse exposés au soleil, à la pluie, au vent, à toutes les intempéries des saisons, labourent la terre, déposent en son sein, avec la semence qui fructifiera, une portion de leur force et de leur vie, en obtiennent ainsi, à la sueur de leur front, la nourriture nécessaire à tous. Ils gardent et nourrissent les bestiaux et font les grands et menus ouvrages de la campagne et des villes.

Ces hommes-là sont des hommes du peuple.

D'autres exploitent les forêts, les carrières, les mines, descendent à d'immenses profondeurs dans les entrailles du sol, afin d'en extraire le sel, la houille, le minerai, tous les matériaux indispensables aux métiers, aux arts. Ceux-ci, comme les premiers vieillissent dans un dur labeur, pour procurer à tous les choses dont tous ont besoin.

Ces hommes-là sont des hommes du peuple.

D’autres fondent les métaux, les façonnent, leur donnent des formes qui les rendent propres à mille usages variés; d'autres travaillent le bois, d'autres tissent la laine, le lin, la soie, fabriquent les étoffes diverses.

Ce sont encore des hommes du peuple.

Et qui prend les armes pour la patrie, qui la défend, qui donne pour elle ses plus belles années, et ses veilles et son sang? Qui se dévoue et meurt pour la sécurité des autres, pour leur assurer les tranquilles jouissances du foyer domestique, si ce n'est les enfants du peuple?

Quelle injustice que les pauvres portent tout le fardeau et que tout le poids des misères aille fondre sur leurs épaules! Nous sommes tous pétris d'une seule masse, il ne peut y avoir de différence entre de la boue et de la boue, pourquoi alors voit-on d'un côté la joie, l'abondance et de l'autre la tristesse, le désespoir, la misère et le mépris.