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Heures lorraines

Charles le Téméraire

Il possède d'immenses domaines ( la Bourgogne, les Flandres, le Luxembourg ...) et il se trouve que la Lorraine indépendante gêne considérablement ses communications entre les diverses parties de ses Etats. Le 15 octobre 1473, René II signe une convention qui assure à Charles de Bourgogne un libre passage pour ses troupes et lui remet pour sûreté cinq places fortes : Amance, Charmes, Epinal, Dompaire et Darney. C'est comme s'il livrait son duché à son voisin. René ne tarde pas à s'apercevoir qu'il n'est plus maître chez lui. La Lorraine est envahie par les troupes bourguignonnes et traitée en pays conquis. Les soldats de Charles qui se rendent de Bourgogne dans les Pays-Bas, commettent en Lorraine les plus épouvantables dégâts ; ils refusent de payer les vivres, ils maltraitent les paysans qui réclament.

Poussé à bout, le duc s'allie avec Louis XI, l'archiduc d'Autriche, les villes alsaciennes, l'Empereur Frédéric III et dénonce le traité du 15 octobre. Mais l'empereur se détache de la coalition ainsi que Louis XI qui vient de signer une trêve de neuf années avec Charles le Téméraire.Il ne reçoit que des renforts insignifiants des Suisses et des Alsaciens. La Lorraine est vite conquise ; les villes se rendent les unes après les autres ; seule, Nancy oppose une résistance énergique. Le siège commence le 25 octobre 1475 et pendant un mois entier, elle résiste à la canonnade et aux assauts de Charles le Téméraire. Les vivres commencent à manquer et le 26 novembre 1475, Charles fait une entrée triomphale à Nancy.

Réduit à ses seules forces, René se contente de mettre des garnisons dans ses places. Il parcourt les pays, particulièrement la Suisse, pour recruter des troupes afin de reconquérir le duché. En 1476, il se couvre de gloire en Suisse : adoubé sur le champ de bataille de Morat, il est reconnu comme étant le plus vaillant des capitaines par les Helvétiques, connus comme les meilleurs soldats de l'Europe de ce temps.

Cependant, Charles envahit le Barrois puis passe sous les murs de Nancy; Mirecourt, Charmes, Dompaire, Bruyères, Darney, Neufchâteau, Remiremont, Arches deviennent la proie du vainqueur. Epinal ayant lutté vigoureusement, obtient les honneurs d'une capitulation.

La conquête achevée, Charles met le siège devant Nancy qui, entretemps, s'est soulevée. René, abandonné par Louis XI et voulant éviter aux habitants les horreurs d'une prise d'assaut négocie une capitulation. Charles a conquis la Lorraine. Il s'attache à gagner le coeur des Lorrains et leur promet de respecter leurs privilèges, de protéger les laboureurs et d'augmenter l'aisance de la bourgeoisie. Avant son départ, il institue un conseil d'administration dans lequel il n'admet que des Lorrains.

En 1476, il part guerroyer en Suisse, est vaincu et laisse sur le champ de bataille, pour ne plus le retrouver, le prestige de sa force et de sa puissance.

Les fidèles de René reprennent espoir et préparent avec lui le soulèvement de la Lorraine qui ne peut manquer d'éclater malgré les fortes garnisons bourguignonnes mises dans les villes et les forts. Après la prise du château de Bruyères, commence l'insurrection. Les habitants de Saint Dié, d'Arches, de Remiremont chassent les troupes bourguignonnes. Epinal se rend et René fait le siège de Nancy. De tous côtés les hommes arrivent pour grossir son armée. Pour la première fois, la Lorraine a conscience de sa nationalité.

Au moment où l'armée lorraine entre à Nancy, la nouvelle arrive que Charles a pénétré dans le duché du côté de Neufchâteau. René n'a plus d'armée : les mercenaires n'étant plus payés refusent de se battre. Il va chercher du secours : pendant ce temps, Charles assiège Nancy, c'est le troisième siège. Les vivres ne manquent pas pour Charles mais l'hiver est très rigoureux, l'approvisionnement devient plus difficile, l'armée est décimée par le froid, les maladies et les désertions.

René pendant ce temps cherche de l'aide auprès des Suisses, des Alsaciens et de Louis XI; les Nancéiens souffrent cruellement de la famine. Après voir mangé les chevaux, ils en sont aux chiens, aux chats et aux rats.

Ceux de Nancy qui avaient mangé chiens et chats, chevaux et rats, mirent en la place de Chastel ( l'actuelle place des Dames), bien arrangées les unes près des autres, maintes têtes de chevaux, de chiens, de chats et de rats. Tous ceux qui les voyaient étaient ébahis et disaient qu'ils étaient gens de grand courage et loyaux serviteurs, d'avoir enduré la peine et d'avoir mangé de telles viandes en servant le duc René. - Chroniques de Lorraine -

Ils envoient des messagers pour presser le duc. Celui-ci a pu recruter des Suisses et des Allemands, prêts à se mettre en route. Des messagers vont partout annoncer l'arrivée de René et assigner aux fidèles Lorrains le rendez-vous général le 4 janvier 1477 à Saint Nicolas de Port.

L'armée bourguignonne réduite par le froid, la famine, la misère, les fatigues semble ne pas pouvoir tenir tête à l'arrivée de troupes fraîches. Mais Charles reste inébranlable dans ses résolutions et refuse de lever le siège.

Le 5 janvier, à la pointe du jour, l'armée bourguignonne sort de ses tentes et s'établit sur un terrain choisi la veille par Charles et ses meilleurs officiers. C'est un terrain assez élevé qui s'étend entre les deux ruisseaux de la Madeleine et de Jarville. L'armée de René entre dans le bois de Saulrupt vers midi. Une neige aveuglante tombe. Les Bourguignons ne voient pas venir l'ennemi. C'est la débâcle : tous fuient et sont massacrés aussi bien par les bourgeois que par les soldats. Le grand bâtard de Bourgogne, frère de Charles le Téméraire est pris à Laxou. A 7 heures, René fait son entrée à Nancy par la porte de la Craffe, entouré de ses capitaines, au son de toutes les cloches, éclairé par des centaines de torches et de toutes les maisons illuminées.

On retrouve le corps de Charles dans les eaux glacées du petit étang de Saint Jean, dépouillé de ses vêtements, la peau d'un côté du visage enlevée et l'autre déchirée par les loups et les chiens. On le reconnait à un anneau qu'il portait toujours au doigt et aux cicatrices de ses blessures. Le corps est richement vêtu et couché sur un lit de parade. Le 12 janvier, les funérailles sont célébrées en grande pompe.

La bataille de Nancy est l'évènement le plus glorieux de l'histoire de la Lorraine. Le chardon des armoiries de Nancy rappelle aussi la résistance victorieuse avec sa fière devise "qui s'y frotte, s'y pique".

La ville reçoit à perpétuité l'exemption de la taille car, si les Nancéiens s'étaient rendus lors du siège, jamais René n'aurait pu reconquérir la Lorraine. La Lorraine a sauvé son indépendance. Ce peuple peut désormais marcher de pair avec les plus grandes nations.

La Bataille de Nancy est l'évènement le plus glorieux de l'histoire de la Lorraine. Son souvenir est resté impérissable. Aujourd'hui encore, après quatre cents ans, lorsqu'on parcourt le terrain où elle s'est livrée, depuis Jarville jusqu'à la Tour de la Commanderie, bien que tout ait changé d'aspect, les images qui s'éveillent à chaque pas ont un tel relief qu'il semble que les faits se sont passés hier.