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Heures lorraines

Sorcellerie en Lorraine

Sous Charles III, dans tout le pays, le seigneur haut-justicier posséde marques, échelles, piloris, carcans et prisons qui devaient être sûres, larges, hautes et non infectées. Pendant une heure entière, il avait le droit de faire donner la question aux malfaiteurs. Cette latitude allait être étendue aux prétendus sorciers et sorcières.

Le geôlier devait veiller à ce que le patient " le prisonnier n'usât de savoir, raison ou mots extraordaires ou inconnus, qui souvent invoquait le démon" et ne portât sous les ongles et sur d'autres parties du corps des caractères mystérieux qui détruisaient le sentiment de la douleur; c'est sous l'empire de telles billevesées qu'on allait procéder contre les sorciers qui surgissaient sur tous les points du territoire. Charles III lui-même y croyait. Il permit à son procureur général Remy de s'acharner à la poursuite de ces malheureux hallucinés, auxquels d'atroces tortures arrachèrent des aveux où l'odieux, le grotesque, le disputent à l'absurde.

Les supplices

  • les grésillons : on y serrait entre des lames de fer à l'aide d'une vis, les ongles et les bouts des doigts des mains, puis les orteils et l'accusé ressent de très grandes douleurs à cause des petits os mais aussi parce que l'extrémité des nerfs aboutissent à ces parties.

  • L'échelle était composée d'une forte échelle ordinaire anguleuse, dont une des extrémités était placée sur un tréteau, l'autre reposant à terre. On attachait à ce bout les pieds du patient, dont les mains étaient liées à une corde s'enroulant sur un tourniquet placé près du tréteau. Au moyen de ce tourniquet, on tendait plus ou moins violemment le corps du patient par plusieurs fois et en divers temps. En outre, on lui mettait un triangle dans le dos et un autre bois courbé sous son col pour retenir la tête afin qu'il puisse parler. Tantôt on le tire, tantôt on lui donne une relâche : de grandes douleurs sont causées par l'extension violente de tout le corps qui s'allonge contre nature mettant ainsi à l'épreuve les veines, artères, muscles, nerfs et tendons.

  • Les tortillons sont de petits bâtons qui servaient à serrer en les tournant des cordes fixées sur les membres du questionné en sorte qu'en tournant ledit tortillon, la corde presse et fait paraître la chair par dessus ladite corde.

  • L'estrapade Le supplice de l'estrapade consistait à suspendre l'accusé par les mains liées derrière le dos à une corde glissant sur une poulie fixée à la voûte de la chambre de torture. On l'y tenait suspendu plus ou moins longtemps et on aggravait ses douleurs, parfois, en attachant à ses pieds des poids plus ou moins lourds.

Sorciers et sorcières

Le démon, paraît-il, a beaucoup aimé les Vosges; et, ce qui fait honneur à son bon goût, il choisissait pour résidence les sites les plus pittoresques; les environs de la Schlucht, la Tête du Bouc, près de Vagney....

C'est là que ses acolytes, les sorciers, venaient le trouver et recevaient ses ordres. Les pauvres sorciers qui avaient vendu leur âme à Satan pour des richesses imaginaires, réduites, en fin de compte à des feuilles sèches d'arbres, tenaient avec le diable des assemblées nocturnes dans des campagnes désertes ou au milieu de sombres forêts. Au moment du pacte, ils recevaient de leur nouveau maître un onguent magique ; il suffisait d'en oindre son corps pour pouvoir se transporter avec une inconcevable rapidité dans le lieu où les sorciers de la contrée devaient se réunir, sous la présidence de leur possesseur infernal. C'était à cheval sur un bouc, un chien ou même un manche à balai qu'on acomplissait ce mirifique voyage et le tuyau de la cheminée était la voie que l'on prenait pour sortir de sa demeure.

En arrivant, on s'asseyait à un prétendu festin où les convives ne voyaient paraître que des viandes fades, sans saveur, sans sel et grossièrement apprêtées. Elles n'apaisaient pas même la faim. Le repas terminé, on formait une ronde, animée par un orchestre dont les instruments n'étaient rien moins qu'harmonieux. Les flûtes étaient des tibias percés de trous, les violons de têtes de chevaux sur lesquels on avait tendu des fils de cuivre ; enfin la basse consistait en un tronc de chêne creusé par les ans et sur lequel on frappait avec un marteau. Après la danse, les sorciers se livraient à des actes infâmes où les hommes et les femmes se mêlaient sans choix, ni distinction ; avant l'aurore, chacun se retrouvait dans sa maison. Le démon se montrait à ses esclaves sous la forme d'un bouc, d'un chien ou d'un chat noir, d'un cheval ou d'un loup ; mais des ongles démesurés et une longue queue suffisaient pour le reconnaître. Une des grandes faveurs octroyées parfois aux privilégiés, c'était de le baiser au derrière.

On craignait fort sorciers et sorcières. Pensez donc! n'avaient-ils pas le pouvoir de détruire les récoltes, de faire périr le bétail, de jeter leurs maléfices sur l'homme lui-même? Mais par contre, les sorciers rendaient quelquefois des services. Aviez-vous perdu un objet, ils vous le faisaient retrouver; étiez-vous malades, ils vous guérissaient "du secret".

Dom Calmet : " Pendant que le démon établissait son règne dans plusieurs parties de l'Europe par le schisme et l'hérésie, il le fortifiait aussi par la magie, la sorcellerie et le sortilège, fruits ordinaires de l'ignorance et de la superstition, ou d'une religion fausse, mal réglée et sans lumière. On ne vit que sortilèges donnés aux hommes, aux femmes et aux bêtes pour les faire périr ou pour leur causer des incommodités incurables ; qu'opérations magiques pour gâter les fruits de la terre, exciter des tempêtes, produire des animaux dangereux et des insectes qui désolaient la campagne, corrompre l'air et les eaux, exciter et nourrir dans les hommes des passions honteuses et criminelles.

Le procureur Nicolas Remy

1605- Sieur Nicolas Remy, Conseiller d'Etat du Duc de Lorraine dédie au Cardinal de Lorraine l'ouvrage "la Démonolatrie" en trois tomes qui relate tous les jugements portés contre environ 900 personnes condamnées à mort en Lorraine, pour crime et sortilège, pendant l'espace de 15 ans qu'il a exercé cette fonction. Il dit qu'il n'a eu la tête remplie que du récit de leurs monstrueuses assemblées, de leurs festins, danses, sorcelleries, empoisonnements, courses dans les airs, abominable commerce avec le démon, leurs divers changements de formes et autres crimes et impiétés dont la vie est,dit-il, ordinairement souillée.

La sorcière présumée n'avait pas d'avocat "parce qu'elle serait capable de l'ensorceler". Les alibis ne tenaient pas non plus puisque le Diable pouvait transporter ses suppôts d'un endroit à un autre en un éclair et même les rendre invisibles.

Début 1600 : en quinze ans, 900 hommes et femmes sont mis à mort en Lorraine pour crime de sorcellerie. Les futures victimes pour le salut de leur âme, se faisaient pourvoyeuses de bûchers en dénonçant aux juges comme sorcières leurs voisines, leurs connaissances à partir des présomptions les plus vagues et les plus contradictoires. Les évènements les plus naturellement explicables ( chute d'une personne, incendie, imprudence tragique d'un enfant ...passèrent pour résulter de sortilèges comme la plupart des maladies et des morts d'hommes et d'animaux domestiques, le tarissement des vaches.

"Que deux paysannes se fussent querellées,écrit Delcambre, si longtemps plus tard, l'une d'elle perdait un animal, il lui suffisait d'attribuer cet incident aux sortilèges de l'autre pour que le juge admît une concordance si imparfaite comme un commencement de preuve ; soumise à la torture et obligée ainsi d'avouer, l'inculpée échappait rarement au bûcher".

Procès en sorcellerie d'une habitante d'Amerey, Xertigny (peut-être de notre famille !!!)

puisque le premier Charton relevé sur les registres en 1665 habitait Amerey et que tous les habitants d'un même hameau avaient pour la plupart les mêmes ancêtres.

1629

L'an 1629, le 22 septembre, vers neuf heures du matin, au château de Fontenoy, en exécution des requises du Sieur Procureur fiscal au comté dudit Fontenoy, et en la seigneurie de Haulmont, adressée à nous Demange Vannerot, maire de ladite seigneurie, assisté de Jean Corbot, Jean Durand, jurés et Nicolas Bernard, échevin,tendant à ce qu'il nous plaise faire visiter une nommée Claudon Voillaume d'Amerey, prisonnière audit château, pour cas de sortilège et vénéfice dont elle est prévenue, afin de voir si on pourrait reconnaître quelques marques diaboliques sur son corps.

Nous, après avoir sur ce admonété ladite Claudon, de nous dire et confesser la vérité dudit crime; et sur ce qu'elle ne l'a voulu faire, l'avons fait raser et visiter par toutes les parties de son corps en nos présences, par Maître Claude Picard, chirurgien demeurant à Confland, homme à ce expert et usité ; lequel nous a fait voir à l'oeil, 4 marques sur la personne de ladite Claudon, l'une au derrière de la tête sur l'ippéricrane, une autre au bras dextre, sur le grand focille au milieu des muscles ; une autre en la cuisse dextre, et la quatrième sur la hanche senestre, dans l'une et l'autre desquelles ledit Picard a planté de grandes épingles assez profondèment et jusques aux os, sans que ladite Claudon ait fait aucun semblant d'en ressentir douleur, ni que desdites piqûres en soit sorti aucune goutte de sang, ainsi que l'avons vu et reconnu, au moyen de quoi ledit Picard, par le serment par lui prêté, a rapporté lesdites marques selon son jugement et l'expérience journalière qu'il a à semblables visites où il est d'ordinaire appelé, être vraiment marques de malin esprit, et tells que les sorciers et sorcières sont marqués, ainsi qu'il en a reconnu plusieurs pareilles par ci-devant.

L'an 1629, le 28 septembre, pour l'exécution de la sentence rendue par nous Demenge Vannerot... à l'encontre de Claudon Voillaume d'Amerey, prisonnière et prévenue de sortilège et vénéfice, par laquelle sentence et sans préjudice du premier vérifié par le Procureur fiscal, contre ladite Claudon, l'aurions condamnée à la question ordinaire et extraordinaire, Nous,assistés de Jean Corbot et Jean Durand audit procès, Nicolas Bernard, échevin audit Haulmont, du Greffier ordinaire soussigné et de Maître Jacob, chirurgien audit Fontenoy, appelé audit château, en la chambre sous la tour ronde, lieu accoutumé à donner la question, avons fait tirer de prison et comparaître devant nous ladite Claudon, et de suite procédé à l'exécution de notre dite sentence, comme s'ensuit: et premier

Ladite Claudon Voillaume, solennellement ajournée et enquise si elle est sorcière, ayant renoncé et quitté Dieu pour prendre le diable pour son maître : a fait réponse qu'elle n'est sorcière, mais femme de bien.

Lui avons remontré que sa mauvaise renommée, les indices violents qui résultent contr'elle par son procès, lesquels vérifiés, témoignent assez qu'elle est sorcière; enjoint partant de confesser la vérité, autrement qu'il sera passé outre à ladite question, l'intimidant de plusieurs tourments, qu'elle voit lui être préparés.

A dit qu'on fasse ce qu'on voudra. Et d'autant qu'elle n'a voulu dire autre chose sur plusieurs interrogats à elle faits dudit crime et de ses maléfices, l'avons fait prendre par l'exécuteur des hautes-oeuvres, lequel l'a déshabillée en chemise, puis l'a fait asseoir sur la petite sellette ; et en cet état, lui a appliqué les grésillons aux pouces des mains, et lui en ayant fait sentir douleur, s'est écriée :Jésus Maria, douce Vierge Marie.

Enquise si elle n'a pas fait mourir une vache à Vaubourg Colinchard a dit :"Nian,sire, par ma foi. Lesdits grésillons appliqués aux doigts, s'est écriée :" Je vous crie mercy, Messieurs.

S'il n'est pas véritable qu'elle a fait malade et mourir Nicolas, fils de ladite Vaubourg a dit : Que non. Interrogée depuis quel temps elle est séduite et que le malin esprit l'a tentée, a dit : Qu'elle n'a pas été tentée. Lesdits grésillons appliqués aux orteils des pieds et enquise si elle ne fit aussi malade Colin Colin, répond, faisant semblant de pleurer, sans néanmoins jetter larmes, qu'elle n'a fait mal ni à bêtes, ni à gens. Si elle n'a fait mourir deux autres vaches de ladite Vaubourg ? Dit que nenni et qu'on la fasse mourir.

Et ayant été environ un quart d'heure auxdits grésillons, l'éxécuteur l'a couchée sur l'échelle, lui a lié les pieds avec cordes, au bois d'icelle, et les bras à une autre corde attachée autour, puis lui a mis le bois triangle sous le dos, et avant que la tirer, lui avons enjoint de dire vérité et s'il n'est pas vrai qu'elle donna une maladie à Nicolas Raguel d'Amerey.A dit : Nian, sur ma foi, s'écriant : Jésus. De tirer un quart de tour, s'est écriée : Jésus Maria !

Enquise depuis quel temps elle est sorcière ? - N'a voulu répondre. Si, en la même année, elle ne fit encore mourir une vache à ladite Nicole ? Répond : Nian, ma foi. S'il n'est pas véritable qu'elle fit encore mourir deux veaux à Claude Girardin ? A dit qu'elle n'a fait mourir ni veaux, ni vaches. Par quels moyens elle fit mourir lesdits veaux ? A dit qu'on la lâche et qu'elle dira la vérité. Si elle ne fit, par ses imprécations, rompre la jambe du cheval de Blaison Grillot ? A dit que non, ne sachant toutefois si au moyen desdites imprécations ledit accident arriva ou non.

Qu'elle ne se contenta pas de causer la perte dudit cheval audit Grillot mais encore huit jours après elle fit rompre la jambe d'un autre cheval, appartenant audit Grillot? - Répond : " Que de Dieu soit-il maudit, celui qui l'a fait.Comment elle fit rompre la jambe audit cheval ? N'a voulu répondre autre chose. De tirer d'un autre quart de tour - Et enquise si elle n'a pas fait malade et gueri l'enfant d'Isabel Rouyer de Moyenpal? A dit que :"Par si digne foy, elle ne l'a pas fait".

Depuis quel temps elle a été séduite par le malin esprit ? - Dit qu'elle ne l'a pas été et que ce sont tous faux témoins qui ont déposé contre elle.

Et ayant été environ demi-heure étendue sur ladite échelle, l'éxécuteur lui a appliqué les tortillons aux jambes, et cuisses et bras droit, et avant que de lui en faire sentir douleur, enquise s'il n'est pas vrai qu'ayant icelle guéri ledit enfant, elle lui tordit le bras de sorte qu'il n'était et comme il est encore à présent ? A répondu : Par ma foy, je ne l'ai pas fait. Si elle n'a pas donné une maladie et fait mourir Claudel Girardin d'Amerey, a dit que non. Aux douleurs desdits tortillons, enquise si elle n'a pas fait mourir une vache à Claudel Gérardin ? Répond : Que non, par ma foy. Si elle n'a pas fait tarir le lait d'une vache de Pierron Vaubourg? A dit : Que non, disant ces mots : Ha! les méchants laix. De qui elle entend parler ? De Mougeotte, veuve de Jean Vaubourg à laquelle elle guérit une vache de lanqueux. Comment elle fit pour la guérir? Dit qu'elle ne peut dire autre chose que ce qu'elle a dit en son audition et que ce fut par une prière y mentionnée et écrite. Si elle ne fit malade et mourir Jean Vaubourg d'Amerey? A répondu : Nian, par ma foy. Si, il y a environ neuf ans, elle ne fit pas tarir le lait à ladite Mougeotte, en haine de ce qu'elle ne s'était pas servie d'elle à son accouchement? A répondu : Nian, je vous promets, ma digne foy.

Et ayant été ladite Claudon aux tortillons, ainsi comme est dit, ledit exécuteur l'a mise à l'estrapade, et avant de la soulever lui avons enjoint de nous dire la vérité, et s'il n'est pas vrai qu'elle fit aussi tarir le lait à Marguerite Mourel, femme de Claude Demangel ? A dit : Nian, par ma foy. Comment elle ôta le lait à ladite Marguerite? A dit : "Par ma foy, je ne l'ai pas fait. Depuis quel temps elle est sorcière? A dit qu'elle ne l'est pas.

Soulevée d'environ un pied et demi de terre, enquise si elle n'a aveuglé le cheval de Vaubourg-Gauthier ? Dit : Que non. Si elle ne fit mourir une chèvre de ladite Vaubourg Gauthier ? Nenny, par ma foy.

Finalement l'avons admonesté de sauver son âme et confesser la vérité des crimes desquels elle ne se peut dire, ainsi qu'elle l'a fait, si innocente; et sur ce qu'elle n'a voulu dire autre chose, sinon qu'elle persiste à ses négatives et invoqué Dieu à son aide, l'avons fait ôter de ladite question, approcher du feu et rhabiller ; puis peu de temps après renvoyée en prison, dont a été dressé le présent acte audit Château de Fontenoy, et est marqué des croix desdits Maire et Durand et signé Bernard, Jean Corbot et Vathier, greffier.

Et le lendemain, 29 desdits mois et an, en l'absence dudit exécuteur, avons fait comparaître ladite Claudon, à laquelle ayant donné lecture de notre besogne du jour d'hier, elle a dit qu'elle persiste à ses négations y portées, et ne veut dire autre chose. Sur ce l'avons renvoyée en prison, et le présent besogné avec toutes les autres pièces du procès audit Procureur fiscal, pour y fournir ses conclusions, et est marqué des mêmes croix et signé des mêmes que ci-devant.

Le Sotré

Les farces de l'espiègle Sotré : c'est lui qui emmêle la crinière des chevaux, qui donne la bouillie au petit enfant, bat le beurre, s'assied sur vore poitrine pendant que vous dormez. Et il reste toujours, sinon invisible, du moins insaisissable. Il partage ce dernier privilège avec Culâ. Vous avez vu un feu follet : c'est le culâ des vieux vosgiens. Insensible aux supplications, il poursuit le voyageur et l'attire dans les marais.

Heureusement que les bonnes petites fées sont là pour détruire ce qu'ont fait les esprits malfaisants. Elles construisent des ponts, donnent des conseils à la ménagère, surveillent et dirigent la conduite des jeunes filles. C'est pour cela qu'on les aime.