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Heures lorraines

Les évêchés

Toutes les villes de l'ancien empire romain ont gardé leur évêché. Comme l'Eglise défendait d'établir un évêque ailleurs que dans une ville, on fondait à la fois une ville et un évêché. Les évêques étaient richement dotés et recevaient des domaines immenses, parfois une province toute entière.Les donations des rois, des seigneurs et des simples roturiers eux-mêmes, assurèrent une très grande fortune territoriale à l'église.

Les rois ont donné aux évêques l'immunité, c'est-à-dire le droit de gouverner eux-mêmes leur domaine.

"Qu'aucun fonctionnaire public, disent les chartes d'immunité, n'ose entrer sur les terres de cette église, ni pour lever un impôt ni pour juger, ni pour arrêter les hommes serfs ou libres qui y demeurent." L'évêque devient un véritable souverain et cela à un point tel, qu'on ne sait pas s'ils sont plus seigneurs qu'évêques ou plus évêques que seigneurs.

Les évêques de Toul, anciens suzerains du comte qui gérait la ville de Toul, deviennent princes souverains; ils relèvent des empereurs d'Allemagne et réunissent maintenant dans leurs mains, à la fois le pouvoir spirituel et temporel, sur la ville de Toul mais aussi sur tous les villages et sur toutes les terres de l'évêché dont le canton de Xertigny fait partie. C'est le plus vaste diocèse de France, divisé en six archidiaconés dont celui des Vosges qui comprend entre autres les doyennés d'Epinal, Jorxey, Poussay et Remiremont. On retrouve la même division au XVIIIème siècle.

Les doyennés

Dans la plaine c'est par les villes que débuta la religion nouvelle ou tout au moins par les lieux d'une certaine importance. A la fin du IVè on commence à établir quelques églises rurales. A cette époque, il n'y avait pas dans la campagne de groupe de populations libres comme aujourd'hui avec nos villages, mais des domaines contenant un personnel servile. Il fut crée dans ces villas des oratoires qui, plus tard, devinrent pour la plupart chef-lieux de paroisses en même temps que la villa devenait un bourg, un village. Il est clair que la ville, d'où était venue la religion nouvelle, devait être le centre, le chef-lieu des chapelles ( puis églises) nouvellement crées. Ce fut là le début des circonscriptions rurales celles-ci bien plus petites que les futurs doyennés réduites au rayon de propagande du centre sur les environs. Le christianisme une fois établi définitivement, ces petites circonscriptions qui n'étaient que des paroisses avec des annexes, furent groupées et formèrent des doyennés.

Dans les Hautes-Vosges la population étant faible au VIIIè, les moines pour la développer pratiquèrent de nombreux défrichements dans la forêt vosgienne. Les populations abandonnent le christianisme pour se livrer à des pratiques empruntées aux religions celtique et germaine : les pierres, les fontaines, le feu y jouent un rôle prépondérant. Le païen est la majorité dans les Vosges. C'est ce qui explique l'affluence de nombreux moines convertisseurs.

Ils établissent dans chacun de ces groupes de population une chapelle qui, le plus souvent, devint paroissiale ; toutes relevaient de l'église primitive soit, du couvent. Il y eut de ces églises qui devinrent à leur tour, des centres religieux très importants. Il se formait ainsi de petites chrétientés qui, groupées, finirent par constituer un doyenné. Le centre de ces paroisses, établies dans les lieux défrichés par les moines, était tout naturellement leur monastère ; c'est ainsi que Remiremont devint le chef-lieu d'un doyenné.

Par contre, toute cette région des monastères de Saint- Dié, Senones, Etival, Moyenmoutier ,indépendante de la juridiction de l'évêque de Toul, était appelée de ce fait "Pays de nuls diocèses". Relevant directement du pape, ils étaient forcèment en conflits perpétuels avec les évêques de Toul qui voulaient les soumettre à leur juridiction.

Abbaye de Remiremont

Remiremont est le chef-lieu d'un doyenné religieux relevant de l'évêché de Toul donc de l'Abbaye de Saint Mansuy. Elle vient d'être fondée par saint Gérard, évêque de Toul pour garder les reliques de saint Mansuy : premier évêque de Toul et fondateur de la première chrétienté organisée et autonome, la sainte église des Leuques.

"Il y eut un temple à Remiremont, où le feu sacré était gardé par des vierges vestales que l'on venait consulter de toutes parts pour les évènements futurs, ce qui donna occasion à une étroite alliance des Grecs et des Romains avec les Leuques qui y envoyaient leurs filles pour y être élevées sous la conduite de ces vierges... Les vierges vestales qui étaient à Remiremont furent converties par Saint Mansuy, premier évêque de Toul, lequel, à son tour, établit là un collège de dames de première qualité pour l'instruction et l'éducation des filles considérables par leur naissance qui seraient nouvellement converties, comme un moyen très efficace pour attirer à la foi les personnes de qualité et des grands seigneurs du pays."- François Vinot de Froville, missionnaire de la Compagnie de Jésus-

C'est la décimatrice des villages précités. Elle prélève une dîme ecclésiastique sur les productions agricoles des paroisses( porcelets, agneaux, laine, lin, fruits...) à charge pour elle d'en assumer les frais d'entretien. Le paysan n'a pas le droit de rentrer ses récoltes avant le passage du dîmiez.

Le couvent de Remiremont possédait un vaste territoire. Il avait pour voué au XIè, Gerard d'Alsace. Le monastère possédait des droits, privilèges, dîmes dans 180 localités du département des Vosges. Le territoire qui lui était soumis s'étendait sur presque toute la région montagneuse allant de Plombières à Gérardmer ; il débordait sur le versant de la Saône vers Xertigny et Bains d'où le nom de archidiaconé de Vôge.

Dépendent directement de Remiremont et par extension de Toul : Bains, Bellefontaine, Plombières et Granges, Hérival, La Chapelle, Xertigny, le Clerjus et Claudon.

Naturellement, les habitants de ces villages ne vont pas porter les produits de la dîme à Toul mais au prieuré de Fontenoy, lui-même dépendant de l'abbaye de Remiremont et par conséquent de l'abbaye de Saint Mansuy.

Les paroisses

Les territoires paroissiaux sont relativement étendus au XIème siècle. L'église-mère constitue le centre religieux. Il peut y avoir une chapelle, dite parfois eglise-annexe,dans les villages. Pour la première fois, les paysans peuvent célébrer leur culte sans venir à la ville. Ils ont dans leur village leur église où ils se réunissent, leur clocher et ses cloches qui appellent les fidèles au culte.

Le curé a le soin des âmes du village ; les habitants doivent venir à son église et lui obéir. Le territoire ainsi administré par un prêtre forme une paroisse. Les actions principales de la vie chrétienne des fidèles se déroulent obligatoirement dans l'église-mère, du baptême à la sépulture. On y trouve donc un baptistère et un cimetière. Les chartes rappellent souvent aux chrétiens qu'ils doivent y faire baptiser leurs enfants et enterrer leurs morts, même si le hameau où ils résident possède une chapelle désservie régulièrement. D'un autre côté, tous les paroissiens doivent assister tous les ans aux cérémonies qui se déroulent à Pâques, à la Pentecôte et à Noël dans les églises-mères.

Chaque église est située au milieu d'un terrain relativement étendu qui porte le nom d'aître. Ce terme englobe à la fois l'édifice, le baptistère, le cimetière et parfois même quelques maisons. L'aître constitue un espace privilégié dans lequel les fidèles se réfugient en cas d'attaque ou de guerre.

Toute paroisse possède une dot, un patrimoine foncier et des revenus en nature et en argent. Des droits sont en effet perçus lors de la célébration des divers services. Le produit de la dîme ecclésiastique est beaucoup plus important. Tous les propriétaires de biens y sont assujettis, en dehors des chanoines réguliers.

Il faut bien que les décimateurs entretiennent le curé et son église; la part de dîme allouée au curé ne suffit pas à le nourrir. Alors pour ne pas voir leur église désertée, les habitants doivent en maints endroits parfaire la portion congrue de leur prêtre soit par des dons, soit en lui constituant, sous le nom exclusivement lorrain de "bouvrot", un domaine rural qu'il faisait cultiver et qu'il affermait à quelque cultivateur du lieu. Le seigneur laïc ayant bâti l'église et l'ayant dotée, a le privilège de présenter un candidat de son choix.

L'école paroissiale

L'école paroissiale est gratuite. Tous les prêtres doivent avoir des écoles dans les bourgs. Si quelqu'un de leurs fidèles veut leur confier ses petits enfants pour qu'ils apprennent les lettres, ils ne doivent pas refuser de les accueillir et de les instruire. L'école est ouverte aux enfants de toute condition. Dès 789, on constate une grande assuidité de la part des enfants de condition servile : beaucoup aspirent à la fonction ecclésiastique au point qu'un Capitulaire de Charlemagne prescrit de ne donner la tonsure à des serfs ou le voile à des serves qu'avec modération et à condition d'en laisser un nombre suffisant de peur que la culture des villas ne soit abandonnée. Le recrutement des curés est une question pressante pour les grands propriétaires. Cette église leur appartenait et Charlemagne leur rappelle souvent le devoir qu'ils ont de l'entretenir, de la réparer ou de la reconstruire au besoin et de pourvoir à son luminaire. Pour se conserver des guerriers ou des fonctionnaires, Charlemagne s'efforce de mettre obstacle à la vocation cléricale et monastique d'hommes libres mais en même temps, il ouvre grand la porte aux demi-libres et aux serfs.

Le serf devenu prêtre

Le serf, devenu prêtre, conserve quelque trace de son ancienne condition d'autant plus que le serf affranchi en vue de l'ordination sacerdotale retombera dans son ancienne servitude s'il vient à manquer aux devoirs de son nouvel état. Ces pauvres prêtres qui n'ont ni les richesses séculières ni le prestige de la naissance, sont pour quelques laïcs l'objet d'un tel mépris qu'ils font d'eux leurs administrateurs et leurs intendants, se font servir par eux comme s'ils étaient encore laïques et ne daignent même pas les faire asseoir à leur table : ils leur donnent le titre de prêtres mais ne leur montrent aucun des égards que ce titre mérite et prétendent avoir pour intercesseurs auprès de Dieu des hommes auxquels ils ne manifestent que du dédain.

Sous Charlemagne, on veille à ce que les petites gens ne puissent pas accéder aux premières places dans l'Eglise. Cela change progressivement et sous Louis le Débonnaire, un fils de gardien de chèvres devient archevêque de Reims. Cet exemple est pour les seigneurs un avertissement: il montre que les serfs eux-mêmes ne sont pas emprisonnés dans leur condition et qu'aucune ambition ne leur est désormais interdite. Ceux qui sortent ainsi du rang traînent à leur suite une foule de parents et d'amis et ils s'efforcent de faire partager leur fortune à tous ceux avec qui ils ont un lien de sang et de les faire accéder aux mêmes honneurs.