Heures lorraines
Le destin des habitants de Xertigny et de Fontenoy-le-Château est étroitement lié.
Il existe trois localités différentes et voisines portant le nom de Fontenoy qui, à l’origine ne devaient former qu’un seul territoire : Fontenoy-le-Château( nommée ainsi à cause se son château féodal), Fontenoy-la-Côte ( sur ses pentes, s'étageaient les habitations) et Fontenoy-la-Ville.A la Révolution, elles ne forment plus qu'une seule commune. Au temps des Romains,elle faisait partie du territoire des Séquanes.
Arrivez-y par Bains et la Pipée ou par Trémonzey, la route est une avenue sous-bois, pleine d'ombre et de fraîcheur, semée d'éclaircies, de métairies, d'étangs. Si on arrive par Gruey, on s'engage dans une forêt à travers laquelle la route descend, contourne pour arriver dans la PLaine des Callois, déserte et nue. Encore quatre kilomètres et nous y sommes. Nous sommes à deux kilomètres des frontières de la Haute-Saône. On voit alors une vallée profonde, resserrée entre deux collines taillées à pic. Au fond s'étale la petite bourgade de Fontenoy.On est à vingt-deux kilomètres de Xertigny.
Vers 980, les évêques de Toul qui possèdent ce franc-alleu édifient une grosse tour carrée afin de protéger la frontière méridionale de leur domaine et fermer la vallée du Coney. Sa position de terre de surséance place Fontenoy au cœur des conflits entre Bourgogne et Lorraine.
Son château est l'une des premières forteresses du sud des Vosges.Situé sur un éperon de grès bigarré, à la confluence du Coney et du ruisseau Châtelain, de fortes pentes naturelles le protègent sur la plupart de ses faces. Un système de digues, disparu aujourd'hui, permettait de noyer en cas de danger la vallée du ruisseau. Il ne reste du donjon qu'une ruine.
En 1589, extrait d'une lettre décrivant le peu d'attractivité de Fontenoy sur le plan agricole:
"Nous a été montré de la part de notre très cher et très aimé cousin Monseigneur le marquis de Havré que sa ville de Fontenoy est assise en lieu stérile, entre montagnes où il n'y croit aucun grains ni vins et encore de difficile accès et qui plus est, n'ont les habitants dudit lieu aucun vivres, marchandises du fait de guerres mais aussi du fait que les principaux bourgeois de Fontenoy de la religion réformée ont dû quitter Fontenoy. D'où la demande d'aide soit de diminuer de moitié ce qui est attendu d'eux.
Les forêts et des terrains de broussailles que l’on essartait annuellement pour les ensemencer, sauf à les rendre successivement à leur état primitif afin de laisser reposer la terre, couvraient la plus grande partie du sol.
Sur le plan temporel, l'évêque de Toul a la charge d'un état, de sujets. Il a l'obligation de lever des troupes, de conduire ses vassaux à la guerre, de les équiper, de les habiller et de les nourrir.Pour l'aider, il nomme des avoués ( les comtes)lesquels sont chargés de rendre au nom des évêques la justice, défendre le temporel du clergé, commander les troupes en temps de guerre, régler la police et mettre bon ordre dans la ville.
L'importante terre de Fontenoy,appartient aux comtes épiscopaux de Toul dès le début du XIème siècle. Elle s'étend de Montmotier à Bains et à Xertigny sur une longueur de douze kilomètres et une largeur qui varie de quatre à six kilomètres en moyenne.
Le premier comte de Toul est Raimbaud en 1019. Un de ces comtes, Frédéric 1er, de concert avec sa femme, fonde un prieuré à Fontenoy-en-Vôge qu'il donne à l'abbaye de Saint Mansuy au titre d'alleu.
Mathieu de Lorraine, troisième fils du duc Mathieu 1er, devient comte de Toul et seigneur de Fontenoy par son mariage avec Béatrix de Fontenoy, fille unique de Frédéric IV, comte de Toul.
Quand le souverain lorrain meurt en 1176, un de ses fils, Mathieu II hérite de son comté de Toul, de sa terre de Fontenoy en particulier. Après son décès, survenu entre 1206 et 1208, ses descendants dilapident son important patrimoine. Eudes, son petit-fils, vend son comté de Toul en 1262 à l'évêque de Toul en détachant toutefois la terre de Fontenoy et aliène ses différentes seigneuries qui sont rachetées par Ferry III, duc de Lorraine, qui devient possesseur de la plus grande partie de la seigneurie de Fontenoy. Le reste est divisé entre plusieurs autres seigneurs dont Ferry, fils de Odon, comte de Toul qui devient le vassal du duc de Lorraine et qui porte le titre de Ferry de Fontenoy.
En 1285, le duc de Lorraine Ferry III donne à Henry de Blâmont la suzeraineté de tout ce qu'il possède à Fontenoy.
Pour réunir entre ses mains toute la seigneurie, Henry de Blâmont achète à Ferry de Fontenoy toutes les terres qu celui-ci possède. Par le mariage de sa fille Marguerite avec Jean de Bourgogne, la seigneurie change de maison et passe dans celle de Bourgogne.
Jean 1er de Bourgogne a deux enfants : Jean II et Marguerite. En 1373, il meurt et n'ayant pas d'enfant, c'est Marguerite, sa sœur, mariée à Thiebaut VI de Neufchâtel qui hérite. C'est ainsi que Fontenoy passe de la maison de Bourgogne dans celle de Neufchâtel.
C'est Thiebaut VI qui accorde en 1395 aux habitants de Fontenoy une charte pleine de privilèges pour les remercier du dévouement dont ils ont fait preuve pour améliorer les fortifications de la ville. En 1477, à la mort de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, toutes les possessions de ce dernier tombent aux mains de René II duc de Lorraine.
1496- Le Duc René II rend à Philippe de Neufchâtel, seigneur de Montagu, la place et seigneurie de Fontenoy le Château qui dépend maintenant de la Lorraine. Le duc de Lorraine avait décrété qu’à la mort de Philippe de Neufchâtel, la seigneurie de Fontenoy rentrerait dans le domaine ducal mais il cède aux supplications de Ferdinand, frère de Philippe, et il lui en laisse la jouissance.
Anne de Neufchâtel porte Fontenoy dans la maison de Dommartin par son mariage avec Guillaume de Dommartin lequel est tué en 1525.Son fils, Louis a une fille, Diane.
1570- Diane de Dommartin, fille unique de Guillaume de Dommartin, baron de Fontenoy, duchesse d’Arschott, princesse du Saint Empire Romain, duchesse de Croy, marquise de Havré, comtesse de Fontenoy et baronne de Fénétrange épouse en 1570, Charles-Philippe de Croy, prince immensément riche qui meurt en 1613.
C’est pendant la vie de Ernest-Bogeslas de Croy que furent de nouveau partagées les terres du Comté de Fontenoy. Celui-ci est écrasé de dettes, refusa de les payer et l’huissier procéda à la saisie : vente aux enchères faite quatre dimanches consécutifs de quatorzaine en quatorzaine, à l'issue des messes paroissiales de Fontenoy.
1681- Michel Dupasquier, sieur de la Forest, colonel d'un régiment de dragons, achète au Sieur Duc de Croy, la moitié de la Terre et Seigneurie de Fontenoy en Vôge, ses appartenances et dépendances, consistant en haute, moyenne et basse justice, bois, cens et redevances, terres, prés et généralement tout ce qui appartient au sieur de Croy suite à une saisie de ses biens.
A sa mort, le reste du Comté revint à Jean-Baptiste Joseph de Croy, duc d’Havré.
1684- Après la guerre de Trente Ans ces terrains considérables sont divisés en d’autres branches de la famille d’Havré. Une partie est passée à la maison d’Henning car nous voyons Anne d’Henning, Dame de Fontenoy.
Depuis ce temps-là jusqu’à la Révolution, les barons de Dommartin et les Ducs d’Havré furent les seigneurs du comté de Fontenoy dont ils firent hommage aux ducs de Lorraine d’abord, puis aux rois de France à la mort de Stanislas.
Une autre famille de la plus haute noblesse vient à la fin du XVIème et commencement du XVIIe s’établir à Fontenoy : la famille de Mitry.
Le comté de Fontenoy avant la Révolution,comprenait tous les hameaux et villages détaillés ci-dessous:
Xertigny et ses hameaux : - Le Haut de Xertigny - Amerey- Le Roulier- Le Boissey-Montmoulin- Les Granges-Richard- Granges- Forges de Semouse
Le Clerjus et ses hameaux ou écarts: Le Champ- Lassus- Franouze- Le Moncel- Le Buisson- Allangis
La Chapelle aux Bois et ses hameaux ou écarts : Les Aunouzes - Le Hautdomprey- Hardémont- Gremifontaine- La Forêt
Bains-les-Bains et ses hameaux : Charmois devant Bains, dépend de Bains sur la rive gauche du Baignerot.
Ruaux et ses hameaux : Les Forges de Ruaux
Il existe des terres qui échappent à la sujétion seigneuriale; exemptées de redevances et donc détenues en pleine propriété: ce sont les alleus.
Les roturiers ne pouvaient acquérir ni posséder aucun des biens nobles, comme fiefs, seigneuries, châteaux et autres biens devant foi et hommage ; mais ils pouvaient acquérir des maisons franches et jouir des privilèges attachés.
Ce que nous avons vu précédemment, ce sont les terres de l'évêché dont certaines étaient dites "terres franches ou d'alleu": les rois ont donné aux évêques l'immunité soit le droit de gouverner eux-mêmes leur domaine :"qu'aucun fonctionnaire public n'ose entrer sur les terres de cette église, ni pour lever un impôt ni pour juger, ni pour arrêter les hommes qui y demeurent".
Par contre, les sujets de ces terres franches sont tenus des prestations et charges de communauté pour passage de gens de guerre et d’utilité publique. Le service militaire pouvait leur être imposé. Ils avaient l’obligation du droit de guet (surveillance) et de garde des portes (défense) au bénéfice du comte de Fontenoy en ce qui concernait les habitants de Xertigny, Moyenpal et la Chapelle aux Bois.
Après l'incendie de Fontenoy vers 1635, la reconstruction ne peut se faire que lentement. Un compte indique qu'en cette date, les habitants de Xertigny, Moyenpal et la Chapelle ne doivent plus le guet du château depuis l'incendie arrivé audit Fontenoy et la démolition du château.
Énumération par Thierry Alix en 1594 des terres franches:
Terre de l'Alloeud ou terre franche = circonscription qui comprenait dans l'étendue actuelle du département des Vosges:Xertigny, Amerey, Gardelmont (château et ville) La Forêt, La Franouze, Granges, Gremifontaine, Le Clerjus,La Chapelle, Rasey, Fougerolles (château et village).
Ainsi, sous les deux formes d'alleux ou de fiefs, la richesse territoriale se trouvait distribuée entre un certain nombre de possesseurs laïques ou ecclésiastiques, théoriquement égaux entre eux.De cette situation, naît un enchevêtrement de sujets relevant ou en entier, ou à moitié, des ducs et du Chapitre. Il arriva aussi que les ducs vendirent, échangèrent ou donnèrent tout une partie de leurs droits sur une portion du territoire; de là un fractionnement de propriété qui compliqua singulièrement la situation des habitants, relevant à la fois de plusieurs seigneurs. Des sujets, vivant sur le sol du Chapitre, pouvaient en être absolument indépendants et relevaient du duc ou de tout autre.