Heures lorraines
A l’avènement de Vespasien, vers l’année 79, un mouvement redoutable éclate dans les Gaules. Les généraux du cruel Vitellius commettent de si grande cruauté dans les Gaules qu'ils réveillent l'audace de la nation et fournissent au Batave Claudius Civilis un prétexte pour faire reprendre aux Gaulois leur attitude menaçante. Il réunit dans un bois sacré les hommes les plus influents et les plus audacieux de la nation. Il leur rappelle les exactions des Romains, leur parle des exploits de leurs ancêtres, leur fait honte de leur soumission, et quand il les voit persuadés par sa parole ardente et convaincue, il leur fait prêter leur serment solennel de chasser les ennemis ou de périr.
Une cohorte romaine fut gagnée, la flotte ennemie sur le Rhin est prise et la contrée affranchie. Deux légions accourent pour éteindre la révolte mais elles manquent de vivres. Le surnaturel se joignant aux tristes réalités présentes, ajoute au découragement des soldats. On leur répète que dans les sombres forêts, les druides avaient annoncé l’affranchissement de la patrie. Les prophétesses de la Gaule avaient prédit l’extermination des Romains. La principale d’entre elles, Velléda, exerçait une influence considérable sur les Gaulois et une terreur superstitieuse sur l’ennemi. Les deux légions se soumettent.
L’ambitieux Civilis inscrit sur son étendard : Empire Gaulois. Vespasien envoie une armée considérable et Civilis, trois fois vaincu est obligé de se rendre. Julius Sabinus, officier romain, avait soulevé les Lingons de la région de Langres et avait même pris le titre d’empereur gaulois. Après s’être défendu quelque temps avec courage, défait à la fin, traqué comme une bête fauve, il met le feu à sa maison et disparait dans les bois. En vain, les fit-on cerner et fouiller dans tous les sens, on ne découvrit personne. Ils sont pourtant réfugiés tous les deux dans une caverne, le jeune chef et Eponine sa compagne gauloise.
Pendant près de dix ans, ils parviennent à se dérober à tous les regards : Sabinus ne sort jamais. Eponine fait semblant de porter le deuil le jour mais rejoint son mari la nuit. Mais, à la fin, ils sont trahis, vendus pour de l’argent et des soldats viennent explorer la caverne. Ils étaient rentrés à deux, on en fait sortir quatre, le père, la mère et deux petits enfants, nés dans ce trou, dont les yeux qui n’avaient jamais vu le soleil sont blessés par la lumière du jour. On les traîne à Rome. En vain Eponine se jette aux pieds de Vespasien en écriant : « Grâce pour nous en faveur de ces petits êtres qui ne t’ont jamais rien fait. »
L’Empereur n’accorde la vie qu’à elle et ses enfants. Cruel, répondit la mère, je n’accepte pas la vie sans celle de Sabinus, tu nous massacreras tous les quatre. Ce qui eut lieu !