Heures lorraines
Les différents peuples germaniques étaient répartis en tribus et en clans avec pour subdivision territoriale le pays et la centaine. La famille constituait la cellule sociale de base, qui était de type patriarcal. La monogamie étant de règle, la cérémonie du mariage revêtait une grande importance. L'époux apportait à sa femme une dot en nature, qu'elle transmettait à ses enfants. Elle-même, garante de l'intégrité familiale (l'adultère était sévèrement puni) remettait ,à son mari une arme, acceptant ainsi de façon symbolique les aléas de sa vie guerrière. La famille élargie constituait le clan.
La société germanique comportait trois strates : l'aristocratie, qui se considérait comme d'ascendance divine et possédait la majeure partie des terres ; les hommes libres, aptes à porter les armes et à participer aux décisions politiques ; enfin les demi-libres comprenant les affranchis et les lètes. S'y ajoutaient les esclaves qui étaient des prisonniers de guerre, des insolvables ou des descendants d'esclaves. Une assemblée populaire se réunissait régulièrement en un lieu sacré, généralement une fois par an. Elle regroupait tous les hommes libres de la tribu qui entérinaient ou rejetaient les propositions de l'aristocratie : conflits avec d'autres tribus, paix ou guerre, avec dans ce cas, l'élection d'un "chef de guerre". Cette assemblée était également un tribunal qui, en cas de délit, déterminait le prix du sang : en effet, afin d'éviter aux familles de se faire elles-mêmes justice, ce qui déclenchait d'interminables vendettas, le coupable éteignait le droit de vengeance de la partie adverse par le paiement d'une amende de composition soigneusement tarifée.
Dès l'âge de douze ou quinze ans, les jeunes libres étaient confiés à des adultes expérimentés pour apprendre l'art de la guerre. Les campagnes guerrières n'avaient pas lieu l'hiver, ni, en général, à l'époque des récoltes. Les Germains étaient en effet des sédentaires qui pratiquaient l'agriculture (blé, avoine, lin etc) et l'élevage ( bovins, ovins) sur des terres qu'on laissait en friche tous les deux ou trois ans. Les terres cultivables étaient habituellement partagées ou bien exploitées collectivement avec des contraintes comme des droits de passage et de pacage ou des rotations de cultures. Les forêts, les landes et les lacs étaient des biens communaux.
Les Germains vivaient dans des maisons de bois ou de pisé, dans une pièce unique qui était souvent mitoyenne de l'étable. Elles étaient regroupées en villages ou bien dispersées en fermes isolées. A côté des productions artisanales communes, tels la céramique ou le tissage, les Germains se distinguaient par une habile pratique des techniques de la forge. Ils connaissaient notamment les propriétés de l'azote, pour durcir les lames d'acier. Ils pratiquaient également le commerce à longue distance, exportant certains produits agricoles et artisanaux et important du monde méditerranéen divers produits de luxe.
Longtemps prédominante, l'incinération fut progressivement remplacée par l'inhumation, les défunts, dans un cas comme dans l'autre, étant accompagnés de leurs objets personnels afin d'être prêts dans une autre vie dans l'Au-delà : armes pour les hommes et bijoux pour leurs compagnes. De ce fait, les trouvailles archéologiques en matériaux non périssables ont révélé une partie de l'art des Germains, caractérisé par un goût marqué pour les décors zoomorphes stylisés. On est par contre moins renseigné sur leur vie intellectuelle. On sait seulement qu'ils connaissaient une forme d'écriture à forte connotation magique, les runes, et que, de leurs poèmes héroïques, naquirent le Niebelungenlied, l'Edda et les sagas scandinaves.
Grâce aux écrits de César et de Tacite, complétés par des sources scandinaves plus tardives, on peut reconstituer les grands traits de la religion germanique, telle qu'elle était aux premiers siècles de notre ère. Les Germains adoraient Wotan (Odin) dieu de la guerre, du commerce, des tempêtes et guide des morts ; Thor (Donar) qui protégeait les paysans contre les géants et dominait la foudre ; Tiwaz dieu du ciel et de la guerre, concurrent de Thor dans le nord ; Freya déesse de l'amour et protectrice du foyer et Nerthus mère des dieux et déesse de la fécondité. C'est à ces divinités qu'on doit le nom de certains jours dans le monde germanique et par extension anglo-saxon : le mardi (Dienstag, Thuesday) était consacré à Tiwaz ; le jeudi (Donnerstag, Thursday) à Donar/Thor; le vendredi (Freitag, Friday) à Freya.
La nature fournissait les lieux sacrés : montagnes, forêts, arbres, sources, mégalithes où l'on célébrait le culte divin et les fêtes religieuses qui rythmaient les saisons et les victoires guerrières. On ne sait rien des prêtres qui officiaient à ces cérémonies, sans doute liées à des beuveries rituelles et à des sacrifices d'animaux et parfois même humains. Il est également vraisemblable que les pères de famille et les chefs de clan présidaient les célébrations culturelles à caractère domestique. En tout cas, mourir en combattant était pour les guerriers le moyen infaillible d'accéder au Walhalla, séjour des dieux." - Patrick Périn - Les Francs à la conquête de la Gaule