Heures lorraines
Le paysage tel que nous pouvons l’observer maintenant est le produit des transformations apportées par l’homme au milieu naturel. Il est créé par l’insertion d’éléments culturels (architecture des maisons, forme des villages, voies de communication, etc) dans un cadre naturel. Le système d’exploitation a ainsi modelé le paysage et s’il résulte souvent des activités actuelles, il comporte aussi de nombreux éléments qui sont aussi largement des survivances du passé.
C'est le pays du grès bigarré ou haut bassin de la Saône qui,le premier, porte le nom de Vôge. Plus tard, on appellera "les Vosges" la chaîne de montagnes proprement dite. Le jour où la géographie est devenue une science véritable et où l'on reconnaît l'impossibilité de considérer comme faisant partie des montagnes vosgiennes, ces collines s'étendant de l'ouest d'Epinal au plateau de Langres, il se trouve des géographes pour baptiser ce faîte du nom de "Faucilles" pour le différencier des Hautes-Vosges.
Jamais les populations n'ont eu l'idée de décorer du nom pompeux de montagnes leurs plateaux, leurs coteaux. Les anciens géographes n'auraient pas dû appeler monts... des montagnes qui n'existent pas.
Au sud, vers la Saône, la région est très boisée, à plateaux couverts de bois feuillus, aux eaux abondantes, dont le sous-sol est formé, dans sa presque totalité par du grès bigarré : c'est la Vôge.
Ce plateau est composé de deux paliers qui descendent en gradins des Hautes-Vosges granitiques vers la plaine au Nord-Ouest. Le plus élevé, appuyé aux Hautes Faucilles, est traversé par le Coney ; l’autre adossé contre les hauteurs de Vioménil-Gruey, est parcouru par la Saône. La Vôge s’étend ainsi d’ouest en est sur une trentaine de kilomètres du Pays de Darney (bassin des sources de la Saône) aux environs de Bains les Bains et Xertigny (bassin des sources du Coney). Les hauteurs culminantes (450 m en moyenne) dominent seulement de 100 mètres le fond des vallées (350 m).
Photo ci-dessous : La Chapelle aux Bois, paysage caractéristique de la Vôge. Au premier plan, un plateau ne dépassant pas 400 m d’altitude où les cultures tiennent une grande place. A l’arrière-plan, un talus de 100 à 150 m de hauteur délimitant un plateau dépassant 550 m d’altitude où les prairies et les forêts prédominent.
Le sol est constitué par du grès couleur gris rougeâtre, veiné de vert ou de bleu, et également par des argiles : on l’appelle le pays du grès bigarré. Celui-ci forme un plateau couvert de grandes forêts, de vastes friches, de tourbières (imperméabilité du sol, médiocrité des pentes) et de cultures maigres. Il est entaillé de gorges, quelques cours d’eau torrentueux ainsi que de nombreuses prairies irriguées.
Alors que les Vosges sont entrées dans le mouvement industriel contemporain, la Vôge a continué à mener une vie locale et s'est contentée des ressources fournies par l'exploitation du sol, des forêts et des petites industries ancestrales.
Sa source est placée sur le territoire de Dounoux, près du hameau de Conefosse dans un petit étang alimenté par les eaux du voisinage. Il reçoit au bas d'Uzemain les eaux du Void du Coné qui proviennent d’un étang appelé « Etang du Milieu du Monde » car il a la particularité de fournir à la fois des eaux pour la Saône et pour la Moselle donc en direction de la Méditerranée et de l’Océan.
Après avoir reçu les eaux de divers affluents, il rencontre le canal de l'Est qui le mène à Corre jusqu'à la Saône laquelle a, de tous temps, servi de voie de transport pour les marchandises venant de la Méditerranée. Avant la création du Canal de l'Est, on devait les acheminer par voie de terre et par portage jusqu'à la Moselle aux environs de Charmes où la navigation redevenait possible.
Ainsi, malgré le soleil de juillet, il y a toujours partout une impression de fraîcheur que les gens du pays appellent : "l'humidité rhumatisante du Coney".
C’est un climat continental. L'éloignement des mers provoque les brusques écarts de température. La moyenne des grands froids est de -18°, celle des plus fortes chaleurs, est de 34° ce qui provoque un écart de 52° ; cet écart n’est constaté dans aucune autre région de France. Hivers longs et rigoureux qui se prolongent parfois jusqu’en mai, se manifestant par des gelées tardives, désastreux pour la vigne et les arbres fruitiers : végétation rapide pendant les mois d'été, absence presque complète de printemps :
"la végétation, dirait-on, a hâte de jouir sur nos hauteurs, elle précipite tous les épanouissements et maturations" - Kirschleger
Etés chauds et orageux, saisons intermédiaires trop courtes, variations brusques de température provoquées par des orages ou de simples averses. En réalité, il n'y a que deux saisons bien caractérisées : l'hiver et l'été. C’est un climat rude mais sain. Les pluies sont supérieures à la moyenne de la France. Le sous-sol étant imperméable, les sources sont nombreuses. La pente, généralement faible, multiplie dans la Vôge plus d’étangs, marais et tourbières que dans la Montagne.
« Une aube pluvieuse de novembre filtrait du ciel bas, noyait les champs d’une désolation infinie… la pluie cessait par moments : alors une buée d’eau se levait des bois puis une déchirure livide s’ouvrait au flanc des nuages : la pluie tombait en un ruissellement de cataracte… puis… le printemps revenait, le printemps lorrain, hésitant et furtif, sans couleur et presque sans joie, grelottant sous des averses continuelles, risquant de temps à autre un rayon de soleil comme un regard timide, entre les nuées grises qui trainaient sur les bois…dans la pauvre Lorraine, les premières fleurs naissent, frileuses et transies, au fond des taillis où les neiges s’amoncellent. » E. Moselly – Terres Lorraines
Les photos ci-dessus dans "Climat" sont tirées du livre "Les Vosges, pays, paysages".