Heures lorraines
Depuis le matin, un vent froid et mordant chasse avec vigueur une neige fine mais abondante et opiniâtre. L'atmosphère, chargée dans sa partie supérieure de brouillards condensés, jette la tristesse dans le coeur des pauvres villageois, dont les membres engourdis grelottent peut-être encore moins de froid que de misère.
Malheureux temps où les intempéries du ciel, les inondations, les incendies, les famines, les catastrophes de toute espèce sont les moindres des maux pour les hommes des champs exposés chaque jour, chaque heure, chaque seconde à la peste, l'affreuse peste de la féodalité.
Dans la période qui suit qu'on appelle la "féodalité", on n'y voit que misères pour le peuple, impuissance de la royauté, force des grandes familles en possession des comtés, des évêchés, des abbayes et vraiment maîtresses du pays. Le brigandage est la principale industrie. Les seigneurs ne songent qu'à accroître leurs domaines par la conquête et les alliances. L'histoire de ces temps n'est faite que de récits des batailles et des pillages, de la mutation des fiefs dans diverses familles, des pestes et des famines.
Nous voilà dans un petit pays, autrefois le coeur du vaste royaume de Lother, aujourd'hui simple duché, mais duché à peu près indépendant, administré, sous le regard de l'Allemagne, par des ducs. Sous les deux formes d'alleus et de fiefs, la richesse territoriale est morcelée en petits fiefs héréditaires, laïques ou ecclésiastiques d'une étendue à peu près égale, théoriquement égaux entre eux, et ne souffrant de dépendance que celle qui résulte de l'hommage et des obligations. En aucun temps de notre histoire il ne s'est construit autant de châteaux : chaque ville de Lorraine en a des vestiges.
925 - La Lorraine est disputée entre la France et l'Allemagne. C'est l'Allemagne qui l'emporte. Commence une période de trois siècles (925 à 1270) pendant laquelle la Lorraine se trouve en dehors du royaume de France. Les institutions de cette époque sont les mêmes en Lorraine comme en France.
La féodalité lotharingienne confia à l'assemblée générale de l'aristocratie (les Assises) deux droits importants : celui de délibérer en face du pouvoir ducal sur les affaires publiques et celui de rendre souverainement la justice.
→ Féodalité : administration en Lorraine
L'homme n'est qu'une brute sur laquelle le seigneur a droit de vie et de mort et dont le travail doit servir à la grandeur de celui qui l'opprime ; tel fut longtemps le sort de nos ancêtres. Les seigneurs, devenus tout-puissants, parviennent à mettre sous le joug ceux qui ont encore conservé leur liberté. La classe laborieuse se voit ainsi dépouillée pour enrichir les seigneurs et les monastères. La servitude décourage et anéantit l'industrie ; aussi, ne voit-on, dans ces temps malheureux ni agriculture, ni commerce fleurir, à peine les villes communiquent-elles entre elles.